L’Anglais est Une Extension du Monde

Vous êtes français, vous avez grandi avec la chanson de Brassens, le pain encore chaud et l’idée que notre langue suffit à tout dire. Et c’est vrai : le français est une caisse de résonance pour l’amour, la colère, la nuance. Mais tôt ou tard, un collègue finlandais vous adresse un mail en anglais, un L’anglais n’est pas une option, c’est une extension du mondefilm sud-coréen ne sort qu’avec sous-titres anglais, un contrat de licence mentionne « governing law » et votre avocate soupire. Le monde a choisi l’anglais comme pont, pas comme conquête. Refuser de le franchir, c’est rester sur le quai quand le train part pour Berlin, Lagos, San Francisco ou Séoul.

In vous a peut-être dit que l’anglais « appauvrit » le français, qu’il est la langue du business froid et de la pop-culture sirupeuse. C’est oublier que Shakespeare a inventé des mots par milliers, que les révoltes irlandaises, jamaïcaines ou indiennes s’écrivent aussi en anglais, que la physique quantique et le jazz ont trouvé leurs voix dans cette langue avant d’être traduites. Apprendre l’anglais, ce n’est pas troquer Molière contre Netflix ; c’est ajouter un clavier complet à votre piano. Vous ne perdez pas votre âme, vous gagnez des octaves.Imaginez la scène : vous présentez votre start-up lyonnaise à une conférence à Singapour. Le micro s’allume, vous commencez par « Sorry for my accent », mais dix secondes plus tard chaque investisseur suit votre pitch sans effort. Le Q&A devient un dialogue, pas un sauvetage. Vous ne devez plus compter sur le stagiaire bilingle ni sur Google Translate pour convaincre. Vous parlez, on vous comprend, on vous questionne, on vous finance. La langue n’est plus un filtre, elle est un amplificateur.

Ou plus simple : vous lisez un article scientifique avant qu’il ne soit traduit, vous rigolez d’un tweet de Nasa sans attendre la version francisée, vous chantez les paroles exactes de ce morceau de hip-hop californien au lieu de marmonner des approximations. Vous gagnez du temps, de la précision, de la confiance. Vous cessez d’être spectateur pour devenir acteur.

La bonne nouvelle ? Le français vous a déjà entraîné à la gymnastique mentale. Nos conjugaisons labyrinthiques, nos liaisons, notre amour du subjonctif ont sculpté des neurones prêts à accueillir de nouvelles structures. Vous n’avez pas à « penser en anglais », vous avez seulement à déplacer des meubles dans une pièce déjà bien éclairée. Et puis, grâce à l’internet, vous n’êtes plus condamné aux manuels poussiéreux : podcasts, séries, forums, jeux en ligne, MOOC, chansons, Discord avec des Australiens à 3 h du matin. L’immersion est à un clic, gratuite, vivante.

Bien sûr, il y aura la phase où vous vous sentirez enfantin, où votre « th » sonnera comme une casserole qui tombe. Acceptez la casserole. Les anglophones adorent l’accent français ; il leur rappelle Paris, le fromage, la révolution. Ce qu’ils n’aiment pas, c’est le silence. Allez-y, cassez la glace, la glace se reformera derrière vous.

Un jour, dans un aéroport égyptien, un contrôleur vous demandera « Boarding pass ? ». Vous lui répondrez sans chercher vos mots. Ce jour-là, vous ne serez pas seulement un touriste avec un billet, vous serez un habitant du monde. Et vous comprendrez que l’anglais n’est pas une langue étrangère, c’est un passe-partout. Gardez votre français comme trésor, ajoutez l’anglais comme passeport. Vous n’abandonnez rien, vous agrandissez la carte. Bon voyage.